Chers amis,
La plupart d’entre nous ont des difficultés avec la colère. Lorsque nous sommes en colère, nous causons souvent des blessures morales, des tensions et des conflits. Nous finissons par regretter ce que nous avons dit ou fait, et les personnes que nous avons blessées le plus sont nos proches, des êtres chers. Dans de tels cas, notre colère est non régulée et réactive. Cela se produit parce que nous ne comprenons pas la nature et l’objectif véritables de la colère, et aussi parce que nous n’avons pas les moyens de maîtriser cette émotion instable, qui devient alors destructrice. Une fois que nous comprenons mieux nos schémas, nous pouvons nous en faire une amie.
Qu’est-ce que la colère ?
À l’état pur, la colère n’est qu’une charge d’énergie dans notre système. Elle commence au niveau de la couche énergétique du corps subtil et s’étend au corps physique. Nous allons examiner pourquoi cela se produit et comment utiliser cette poussée d’énergie pour nous améliorer. Mon Maître, le cher Babuji Maharaj, avait coutume de dire que la colère est l’une des deux seules émotions que Dieu nous a données dans un but divin. Ces deux émotions sont kama (la passion) et krodha (la colère) ; elles ne peuvent jamais être détruites.
Il est évident que kama est une émotion divine ; sans elle, il n’y aurait pas de procréation et notre espèce humaine s’éteindrait en quelques générations. Mais pourquoi la colère ? Son objectif est en fait de permettre une amélioration continue, et les pratiques de Heartfulness nous aident à maîtriser ce processus. Mais commençons tout d’abord par ce qui se passe en général quand nous sommes en colère.
Comment nous jouons au jeu des reproches ?
Quand quelque chose ne va pas, nous rejetons souvent la faute sur l’autre personne ou sur la situation, et dirigeons vers elles une vague d’énergie : « Quelque chose qu’il a fait m’a mis terriblement en colère », « J’ai été acculé dans une situation où je n’avais pas d’autre choix que d’être en colère». Une jeune diplômée rate son premier entretien d’embauche et rejette la faute sur la personne qui le lui a fait passer, au lieu de reconnaître son manque de préparation. Les politiciens imputent leur échec aux élections à une falsification des machines de vote. Les excuses pour sauter la méditation sont très nombreuses, mais il n’y a qu’une seule raison de faire ce qui est juste. Quand quelque chose tourne mal dans notre mariage, combien de fois faisons-nous des reproches à notre conjoint ? Il serait en fait plus honnête et plus productif d’avouer ses propres faiblesses, mais l’ego ne le permet pas.
Les reproches peuvent aussi se tourner vers l’intérieur. On est dur avec soi-même, mais pas de manière constructive : « Je suis tellement désespéré ! Pourquoi est-ce que je continue à répéter indéfiniment la même erreur stupide ? » ou « Quand vais-je enfin apprendre ! » Lorsque le jeu des reproches s’oriente vers l’intérieur sans réflexion ni prise de conscience, il est là aussi destructeur ; nous continuons à rester bloqué dans les mêmes schémas.
Einstein a dit un jour : « Aucun problème ne peut être résolu à partir du niveau de conscience qui l’a créé ». Appliquons donc ce concept ici : nous allons devoir passer à un autre niveau de conscience afin de transcender celui qui a donné naissance à la colère. Il est urgent dans l’immédiat d’atteindre un niveau de conscience plus élevé, et c’est plus facile à dire qu’à faire !
Quand nous disons « Soyez conscient », qu’est-ce que cela signifie ? Être conscient signifie ne pas laisser l’esprit s’exprimer sur la base d’impressions, de préjugés ou de jugements. Et comment entraîner notre esprit à être sans impressions, préjugés et jugements ? C’est là le cœur du problème. Nous devons parvenir simplement à évaluer les choses pour trouver des solutions. Nous devons accepter la réalité de la situation et travailler à partir de là.
Se plaindre et faire des reproches aux autres indique une absence d’acceptation. D’un côté, le jeu des reproches nous transforme en victimes impuissantes, mais de l’autre, il nous conduit à solliciter l’accord et la sympathie de quelqu’un d’autre avec des commérages qui justifient pourquoi ce n’est pas notre faute et pourquoi ce n’est pas à nous de changer. Nous évitons de nous regarder, en pointant du doigt quelqu’un d’autre.
Et puis il y a un autre type de réaction, celle qui consiste à réprimer sa colère, ce qui fait monter intérieurement la pression des émotions accumulées. Est-ce utile ? L’énergie va finir par imploser en nous ou par se refroidir et stagner, formant en profondeur un courant de ressentiment et d’amertume. Cela aura ses propres conséquences et s’exprimera certainement par des problèmes de santé mentale et physique.
Comment trouver une réaction plus saine ? Examinons l’idée d’acceptation. Prenez un scénario dans lequel quelqu’un a commis un grave méfait qui blesse toute votre famille. Accepter la situation équivaut-il à ne rien faire ?
À ce propos, quelqu’un m’a demandé une fois : « Quand l’acceptation devient-elle irresponsable ? » Accepter ne veut pas dire être faible et lâche. Elle ne veut pas dire ne rien faire. Elle signifie seulement que nous sommes capables d’accepter la réalité des circonstances présentes sans réagir fortement sur le moment, et d’aller de l’avant à partir de là. D’une manière ou d’une autre, une conscience nouvelle va s’ouvrir et l’action juste suivra. Heartfulness soutient cela de plusieurs façons, par exemple :
• nous réfugier dans le guide ou en Dieu déclenche immédiatement un changement intérieur ;
• la méthode du nettoyage nous aide toujours à évacuer une charge émotionnelle forte ;
• et l’aide extérieure sous forme de transmission peut agir comme un catalyseur miraculeux pour gérer la colère, la peur et le stress.
Qu’est-ce qui déclenche la colère ?
Bien des choses peuvent déclencher la colère, et elles peuvent venir de l’extérieur comme de l’intérieur. Par exemple, les circonstances et les événements tragiques, les insultes, les critiques, les conseils et les humiliations sont parmi les déclencheurs extérieurs, alors que les attentes, les désirs et les souhaits nous déclenchent de l’intérieur. La colère peut également surgir du plus profond de nous-mêmes, au cours du nettoyage de nos samskaras ; il se peut dans ce cas que nous n’ayons pas conscience de la source de la colère, car elle vient du passé et a été emmagasinée dans notre subconscient il y a longtemps, formant un nœud d’énergie emprisonnée qui est à présent libérée.
Gérer les critiques ?
Les critiques sont une cause fréquente de colère, surtout lorsque nous avons l’impression d’être critiqué injustement ou que nous n’avons rien demandé. Que se passe-t-il ? Nous sommes généralement en colère et sur la défensive, ou nous nous sentons blessé, car c’est notre habitude normale. Pourquoi ne pas réagir autrement ? Pourquoi ne pas prendre un peu de recul et considérer les critiques comme une occasion d’apprendre quelque chose sur nous-mêmes ? Après tout, nous n’avons pas à être d’accord avec ce que dit l’autre si cela ne nous convient pas. Efforcez-vous d’être reconnaissant lorsqu’on vous dit: « Regarde, tu as fait cette erreur ». Quand vous allez vous reprogrammer, vous remercierez alors cette personne en lui disant : « Maintenant, j’ai l’occasion de me corriger; je n’avais pas réalisé cette erreur avant que tu ne m’en parles ».
Avec une attitude aussi ouverte, vous serez capable d’accueillir le changement et de nouvelles possibilités, ce qui entraînera une amélioration continue. C’est pourquoi le premier guide de Heartfulness, Lalaji, disait que la critique est nécessaire si nous voulons atteindre la sainteté. Oubliez la sainteté ; la critique est nécessaire si nous voulons atteindre l’excellence dans tout ce que nous faisons. La critique ne semblera pas négative à celui qui a ce type de compréhension ; elle sera une fenêtre d’opportunité.
Les attentes
Nos attentes sont une autre cause fréquente de colère. Lorsqu’elles ne sont pas satisfaites, elles tournent souvent mal et donnent naissance à ce feu de la colère. Il est encore pire de s’entêter pour qu’elles soient satisfaites. Cela revient à verser de l’huile sur le feu, ce qui ne fait que l’intensifier. Il faut comprendre la différence entre avoir une attente et s’entêter pour qu’elle soit satisfaite. Par exemple, regardez la différence entre un enfant qui dit : « Maman doit venir me chercher à l’école » et « Personne d’autre que maman ne doit venir à l’école ! Elle doit venir me chercher ! » L’acharnement à obtenir la satisfaction de nos attentes alimente la colère avec davantage d’intensité.
Où êtes-vous ?
Voyons maintenant comment la méditation nous aide à devenir plus vigilant pour gérer la colère. Posez-vous la question suivante : « Lorsque je médite, mon attention est-elle présente ? Suis-je le témoin de mes actes, de mes pensées et de mes sentiments, ou suis-je mentalement absent ? ». Vous pouvez également vous demander : « Quand je suis en colère, suis-je conscient de ce qui se passe en moi, ou suis-je absent ? ». Souvent, c’est justement cette absence qui déclenche la colère. Lorsque vous êtes inconscient et absent, comment pouvez-vous gérer ce que vous faites, que ce soit la méditation ou la colère ?
Quand vous êtes en colère, observez comment la colère s’écoule. Ne la réprimez pas, laissez-la être là, prenez-en conscience. L’acte même d’être présent va agir comme une lumière dans l’obscurité. Quand vous allez prendre conscience de ce qui se passe en vous, la paix va descendre tout à coup. L’énergie qui alimentait la colère alimentera désormais la paix, une paix d’une qualité que vous n’avez jamais connue auparavant. Cette contradiction tient à la nature même de la colère. Plus vous allez devenir conscient, plus l’intervalle entre votre colère et son retournement va se réduire et continuera de se réduire avec cette conscience accrue, jusqu’à tendre finalement vers zéro, et vous serez toujours en paix.
Une paix impressionnante annihile les pulsions de violence. C’est dans un environnement paisible que la créativité trouve son véritable sens. C’est dans un environnement paisible que les mères peuvent nourrir leurs enfants. C’est dans un environnement paisible que nous vivons et savourons le bonheur et bien d’autres choses merveilleuses.
La pratique de la méditation développe l’aptitude à être conscient et présent. Elle nous aide à réduire l’intervalle entre la colère et son retournement. Nous sommes en mesure de réagir plus rapidement avec empathie et noblesse de caractère.
Qu’en est-il de l’attitude ?
Posez-vous maintenant une autre question : « Pourquoi est-ce que je veux maîtriser ma colère ? ». Est-ce parce que vous pensez que c’est un péché, ou parce qu’elle va augmenter votre taux d’hormones du stress et endommager votre système ? Si c’est le cas, votre approche est déjà un cran au-dessus de celle de quelqu’un qui se met tout le temps en colère, mais elle reste encore égoïste. Elle manque de sagesse, car elle émane plutôt du désir de prévenir le péché que d’une compassion sincère. Vous veillez à ne pas commettre de péché afin de ne pas être puni. C’est l’attitude avec laquelle vous maîtrisez la colère qui va changer votre avenir. Est-ce pour le bien d’une personne que vous ne voulez pas la blesser ou bien pour vous protéger d’un acte de péché afin de vous qualifier pour le ciel ? Il est préférable d’opter pour la bonté et la compassion.
Remettre la colère à plus tard
Nous remettons souvent les bonnes choses à plus tard, comme méditer régulièrement, manger sainement ou faire de l’exercice ; mais il est rare de remettre un accès de colère à plus tard ! Pensez-y : pouvez-vous maintenir cette intensité pendant plus de vingt-quatre heures ? D’ici là, elle aura forcément disparu de votre système ou aura été intériorisée. Nous ne pouvons pas retenir une énergie aussi explosive trop longtemps. Qui plus est, lorsque nous nous mettons en colère, cela peut avoir un impact durable jusque dans un avenir lointain. La toxicité qui fait suite à une éruption peut être très stressante, et porter préjudice à de nombreuses personnes.
Alors, essayez de faire une pause pour reporter simplement l’éruption d’un jour ou deux. Une ou plusieurs des choses suivantes pourraient alors se produire :
• vous aurez peut-être pitié de l’autre personne ;
• vous penserez peut-être : «Dieu merci, je n’ai pas réagi ! » ;
• vous réaliserez peut-être aussi que l’autre personne avait raison de vous critiquer. Vous pouvez alors la remercier de vous avoir dit la vérité ;
• même si l’autre personne avait tort, pourquoi aggraver la situation? En ne réagissant pas, vous allez préserver la relation et améliorer la situation.
L’énergie émotionnelle
Dès que la colère survient, l’énergie qui est activée reste emprisonnée en nous jusqu’à ce que nous puissions tourner la page. Une confrontation malheureuse avec une autre personne laisse aussi une empreinte émotionnelle jusqu’à ce qu’elle trouve son apaisement. L’amour perdu crée un vide. Tout cela a des répercussions, à la fois en nous et sur ceux qui font partie de notre vie.
La joie et les autres émotions positives créent également des champs d’énergie : elles présentent une courbe en cloche par rapport aux souvenirs émotionnels négatifs qui présentent une courbe en U.
Vous vous souvenez de l’intervalle de réaction que nous avons exploré tout à l’heure ? Les personnes sages qui ont maîtrisé leurs émotions évitent en fait d’avoir à réduire cet intervalle, car elles savent comment empêcher la colère de s’exprimer. Avant qu’il ne se passe quelque chose, elles ont déjà anticipé les résultats possibles et elles s’ajustent jusqu’à ce que leur état intérieur atteigne un niveau tel qu’il n’y a plus rien à ajuster. Comparez cela à l’autre extrême, celui des personnes tellement insensées qu’elles s’ajustent rarement, même après avoir vu les conséquences. La plupart des gens se situent quelque part entre ces deux extrêmes. Ils se rendent compte après s’être mis en colère et se corrigent, tandis que ceux qui sont un peu mieux se rendent compte pendant la colère et s’empêchent de continuer.
Découvrir pas à pas notre vraie nature
Les sages apprennent également à maîtriser une autre sorte d’intervalle, celui qui sépare deux désirs perturbants. Cette fois, nous voulons que l’intervalle s’allonge au fur et à mesure que nous progressons, et à mesure que cet intervalle s’allonge, celui entre deux pensées associées s’allonge également. Cela conduit finalement à une condition permanente appelée nirodha, dans laquelle l’esprit est mis dans un état de repli sur soi parfait, sans désirs ni pensées. Maintenant, n’ayant plus de perturbations nées des désirs ou des pensées, nous sommes capable de savourer la vraie nature du Soi. Il y a de la paix, une absence de tiraillement et une conscience pure.
Nirodha s’associe à une autre tendance appelée ekagra-vritti, qui nous propulse en direction de notre objectif de vie le plus cher. Nirodha dissipe les désirs et un ego percutant, et ekagrata concentre notre attention sur là où nous allons. Ensemble, ils travaillent comme une épée à double tranchant, nous conduisant au samadhi, grâce à l’apaisement de la tempête de sable des pensées, née de nos désirs et de notre égoïsme. Les pensées, les idées et les intentions tombent lentement dans l’oubli. Au fur et à mesure que l’intervalle entre deux pensées augmente, il est possible que des ressentis fassent surface et que les pensées soient remplacées par des ressentis de différents types. Un ressenti s’en va et un autre s’installe, jusqu’à ce que l’intervalle entre les ressentis augmente également et qu’ils disparaissent eux aussi. Ils sont remplacés par des états de devenir. Un état de devenir s’en va et un autre s’installe, et ainsi de suite…
Pendant la méditation, nous pouvons observer que lorsque l’intervalle entre deux pensées augmente, cela provoque une concentration de l’attention, surtout lorsque les deux pensées sont identiques. Par exemple, nous avons la pensée de la source de la lumière divine dans le cœur. Quelque temps après, la même pensée se répète. De même, lorsque l’intervalle entre deux ressentis s’étend, le fait qu’ils réapparaissent à l’identique provoque une concentration du ressenti, nous donnant un certain niveau de stabilité émotionnelle et de paix.
Comparons cela avec un état mental plus changeant : essayez de vous rappeler quand vous avez été en colère récemment; combien de temps cette colère a-t-elle duré ? Qu’avez-vous ressenti immédiatement après la colère, puis plus tard ? Et que dire d’un moment où vous étiez très heureux et joyeux? Combien de temps a-t-il duré et qu’est-ce qui a suivi ? Le bonheur succède à la tristesse, la culpabilité succède au plaisir, la compassion succède à la colère, et l’agitation succède à l’absorption. Tout change constamment en nous. Tout comme les nuages qui flottent dans le ciel se forment et se modifient en permanence, le ciel de notre conscience ne cesse de changer en fonction de nos pensées, de nos sentiments et de nos conditions.
Nous devenons tant de choses en si peu de temps. Le matin, vous pouvez être agité et anxieux à cause d’un examen, mais plus tard, après avoir terminé l’examen et l’avoir bien réussi, vous êtes guilleret. Lorsque l’objet de notre concentration change sans cesse, tout comme notre environnement, nos sentiments et notre état, nous devenons vulnérable. Imaginez un oiseau qui vole très vite ; il est extrêmement difficile de le photographier alors qu’il est sans cesse en mouvement. De même, il est difficile de repérer un esprit qui passe en permanence d’une pensée à l’autre, d’un sentiment à l’autre. Et s’agissant de notre esprit, il se déplace plus vite que la vitesse de la lumière ! Un esprit errant peut-il atteindre le bonheur ?
La solution consiste donc à développer un esprit concentré. Et cela n’est possible qu’en faisant une sorte de gymnastique mentale. Le meilleur type de gymnastique mentale est fourni par les pratiques de Heartfulness, car si nous les adoptons, notre esprit parvient simplement et sans effort à orienter son attention dans une seule direction. Lorsque l’esprit est centré, il en résulte naturellement une stabilité du cœur et tous les ressentis sont orientés dans la même direction. Nous demeurons en harmonie constante avec nos ressentis intérieurs. Si nous purifions et simplifions également les tendances de notre comportement, nous pouvons atteindre un niveau où pensée, ressentis et condition restent orientés dans la même direction.
Lorsque nous commençons notre voyage spirituel en méditant tous les matins, nous sommes parfois frustré, car le cœur et l’esprit sont remplis de pensées et de sentiments. Nous voulons nous sentir calmes et tranquille, mais au lieu de cela, nous avons une conscience aiguë de l’activité qui se déroule en nous. En réalité, c’est tout à fait normal. Il est rare que notre attention soit d’emblée orientée dans une seule direction. La concentration est le résultat de la méditation et non l’inverse. Heureusement, la transmission nous donne dès le début des aperçus de l’état de concentration, et cela nous incite d’autant plus à continuer.
Enfin, nous allons au-delà du ressenti pour « devenir ». Dans l’intervalle qui sépare deux « devenirs », nous sommes capable de rester constant ou sthit. Lorsque l’intervalle entre deux « devenirs » augmente, l’état stable ouvre la voie pour que nous puissions sauter dans l’abîme du vide absolu. Sans cette stabilité du cœur et de l’esprit, nous restons dans les limbes.
Que dites-vous à des amis qui changent d’avis en permanence ? Leur versatilité est le contraire de la constance et de la stabilité. Un autre exemple est lorsque deux personnes viennent me voir main dans la main, déclarant leur amour l’une pour l’autre et voulant se marier le jour même ! Afin d’accueillir leur famille et leurs amis, ils se marient au bout d’un mois, et quelques mois plus tard, j’apprends qu’ils sont déjà séparés.
Ce que nous appelons versatilité ou la dispersion de l’esprit s’appelle perte d’ekagrata, selon les termes de Patanjali. Ce que nous appelons la versatilité constante des sentiments peut aboutir à un trouble dissociatif d’identité, selon le vocabulaire des psychiatres. Un esprit et un cœur en perpétuel changement entraînent une conscience en perpétuel changement. Cela donne l’impression d’avoir de nombreux individus dans une seule personne. Dans tout cela, le facteur situé au milieu, le « sentiment » joue un rôle essentiel. La constance des sentiments ou le plus grand intervalle de temps possible entre deux sentiments, est ce qui définit une personne.
D’où viennent ces sentiments ?
Nous appartiennent-ils vraiment ? En un sens, oui, ce sont nos sentiments, mais ils peuvent être déclenchés de l’extérieur. Ils sont souvent manipulés de l’extérieur ou de l’intérieur, comme des réactions automatiques à des situations. En fait, lorsque l’esprit n’est pas guidé par l’âme par l’intermédiaire du cœur, tout l’esprit est manipulé de l’extérieur. Il devient alors un mécanisme, au lieu d’être l’essence de nous-mêmes. La conscience est au-delà de l’esprit, et elle n’est pas contrôlée par l’extérieur ou par une idée. Jusqu’à présent, il n’existe aucune expérience scientifique montrant qu’il existe dans le cerveau un centre qui corresponde à la conscience. Le seul objectif de la méditation et de la spiritualité est de nous sensibiliser à tout ce qu’est l’esprit et de nous faire abandonner notre identification à lui ; d’apporter la connaissance, la vigilance et la conscience.
Et le fait de comprendre ce qu’est l’esprit grâce à la méditation nous donne une compréhension beaucoup plus approfondie de ce qui nous blesse le plus et des raisons de nos réactions. Tout dépend de notre identification. La partie la plus extérieure de notre existence est notre corps physique. Si nous sommes complètement identifié à notre corps, toute attaque ou critique au niveau physique va nous blesser, comme par exemple, « Tu as une sale tête ». Mais la plupart des gens se sentent davantage insultés quand c’est leur esprit qui est attaqué ; par exemple, « Pourquoi n’as-tu pas réfléchi ! », parce que nous nous identifions plus profondément à l’esprit qu’au corps. C’est pourquoi le trouble bipolaire est plus stigmatisé que le diabète, alors qu’il s’agit de deux maladies graves, mais l’une affecte l’esprit et l’autre le corps.
Si quelqu’un attaque notre intelligence, c’est encore plus blessant : « Ce que tu es bête! Comment as-tu pu prendre une telle décision ? » Et si quelqu’un attaque le corps subtil de notre ego, c’est ce qui fait le plus mal, car l’ego est plus proche de l’âme. De ce point de vue, on peut considérer l’esprit comme un organisme extérieur. Si quelqu’un vous insulte et que vous vous mettez en colère, l’insulte de cette personne n’est qu’un lointain déclencheur. Alors pourquoi devriez-vous vous comporter comme une marionnette, en laissant cette personne manipuler votre colère ?
Si vous êtes en colère, rappelez-vous que votre esprit est télécommandé et se comporte comme le disque d’un gramophone, en fonction de la manière dont certains éléments regroupés par affinités se sont accumulés sous forme de samskaras du passé, qui ont formé des voies neuronales dans le cerveau. En vous débarrassant peu à peu de votre identification à l’esprit, vous découvrirez consciemment votre être, votre âme. Arriver à faire la distinction entre ces éléments regroupés par affinités et la conscience supérieure de votre âme est l’une des choses les plus magnifiques qui puisse vous arriver, car alors vous êtes libre !
Pour le moment, votre esprit qui devrait être le serviteur joue le rôle du maître. En conséquence, vous êtes esclave de vos désirs. L’esprit fonctionne comme une marionnette. C’est là qu’il peut s’avérer extrêmement utile de se fixer un but dans la vie. En étant capable de vous concentrer sur votre but, vous éviterez naturellement toutes ces pensées et ces sentiments qui vous détournent de celui-ci. Dans Heartfulness, nous appelons cela le souvenir constant. Votre vie entière prend une nouvelle dimension. Vous faites l’expérience de la vie dans la vie. À chaque méditation, la transmission vous insuffle cette vie dans la vie ; elle est en fait la source de la vie dans la vie.
Comment comprendre et soutenir la colère des autres ?
Mais ce jeu de la colère ne nous concerne pas seulement. Comment réagissez-vous quand les autres se mettent en colère ? Essayez-vous de les corriger ? Gagner du temps est le meilleur soutien que vous puissiez leur apporter, car la colère va se dissiper. Mais si ce n’est pas possible, il est bon de se mettre en prière, de se centrer et de laisser la personne dissiper son explosivité en l’écoutant et en restant calme.
Faites intérieurement la plus subtile des suggestions pour que la colère s’évacue et que la personne devienne plus aimante et plus compréhensive.
Les conséquences de la colère
La gaieté et la colère peuvent-elles aller de pair ? De même que le feu ne peut pas dégager de la fraîcheur, la colère ne permet pas l’éclosion de la gaieté. Une personne en colère ne peut ni recevoir de l’amour ni en donner. Ainsi, même si vous êtes en bonne santé physique, financièrement prospère et intellectuellement sain, que vous arrivera-t-il si vous n’avez pas la capacité d’aimer et d’être aimé ? Qui a envie de fréquenter quelqu’un qui s’emporte facilement ? Qui veut s’approcher d’un enfer ? Vous en verrez les conséquences lorsque votre amour sera rejeté.
Le jardin vertueux qui s’épanouit en vous est rempli de toutes sortes de dons, comme la joie, l’humilité, la simplicité, la pureté, et des muscles moraux très forts. Tout cela peut être réduit en cendres par une minuscule étincelle de colère. Le feu de la colère détruit tout sur son passage : la santé physique, la paix individuelle, le bien-être mental, l’harmonie familiale, la confiance mutuelle et le pont qui vous relie à votre conscience supérieure. Vous avez peut-être des milliards de raisons pour justifier votre colère, mais les fruits d’une plante aussi vénéneuse sont extrêmement toxiques, alors pourquoi les nourrir ?
L’amélioration continue
Revenons à l’idée de Babuji selon laquelle la colère est une émotion divine ; c’est une énergie qui ne peut jamais être détruite et qui nous pousse à l’action. Son objectif divin est de susciter notre amélioration continue.
Alors, à chaque fois que vous êtes en colère, au lieu de blâmer les autres, d’exploser, de vous apitoyer sur vous-même ou de vous punir et de vous sentir coupable, posez-vous la question : « Comment puis-je me corriger ? ». Il n’y a rien de mal à faire des erreurs tant que vous en profitez pour vous améliorer. Considérez cela comme un défi, une occasion d’évoluer à partir de ce que vous êtes actuellement pour devenir la personne que vous espérez être. Si vous restez constamment vigilant, dans cet état d’attention consciente, il n’y aura aucune agressivité, mais seulement l’espoir d’un avenir plus lumineux.
Avec amour et respect, Kamlesh Patel